vendredi 14 février 2014

Portrait du foodie ou Pourquoi je ne suis pas totalement foodie



"Foodie"en 2 mots : "gourmet branché" ou "hipster gourmand" en faisant tout un plat sur les réseaux sociaux chaque fois qu'il bouffe ou cuisine quelque chose d'extraordinairement beau, bon et cher.

La notion de branchitude est FON-DA-MEN-TALE, car le foodie est habituellement un hipster avec iPhone et a nécessairement un blogue où il peut s'extasier en long et en large, en plus de comptes twitter, facebook, pinterest, tumblr et instagram bien fournis de photos de qualité professionnelle d'assiettes et d'enseignes de restos tendance.
Le foodie découvre avant tout le monde LES saveurs inédites, LA tendance culinaire à venir, le retour du mal-aimé bouffe sous une forme branchée (ex. le beigne, la guimauve, la barbe à papa). Ou les croisements dégueu, devenant "in" car piquant son intérêt (cronut, ramen burger, etc.) Note : il s'extasie toujours et le ton est toujours à la dithyrambe (car il ne publicisera jamais ses échecs culinaires ou fautes de goût!...)

S'il ne s'épivarde pas sur les réseaux sociaux, le foodie n'est plus qu'un gourmet, un gourmand, un goinfre, un cuiniser amateur, ou pire, un mononcle ou une matante adepte de Ricardo. Oubliez maman, son savoir-faire, sa cuillère en bois, ses chaudrons et son livre de Jehanne Benoit ou de Pol Martin, bien que son mérite culinaire était grand, bien que sacrée bonne cuisinière, qui pouvait cuisiner des jours et des mois à l'avance en prévision d'une tablée d'une soixantaine de convives au repas de Noël, elle ne pouvait être qualifiée de foodie (car le terme n'existait pas encore!). Gastronome? Gourmet? Ringards, ces termes! Le foodie est un terme actuel désignant un égotiste obsessif compulsif BRANCHÉ.Tout le monde doit connaître ses derniers faits d'armes.

La maman elle, ne cuisine pas pour la gloire, mais par nécessité et plaisir : avant tout pour bien nourrir sa marmaille, leur faire plaisir, et parfois oui, aussi par gourmandise, rarement pour l'épate. Le foodie cuisine au thermomix, à vide et au siphon à cartouche de N2O, et adoptant la gestuelle des grands chefs télédiffusés, cambré le dos rond au-dessus de son oeuvre, le nez à 2 po de la tuile d'ardoise, où tel un chirurgien il dépose avec application avec une pince sa pièce de viande bien rosée sur un effoiré (ou un swoosh si vous préférez) de topinambour au safran d'askaoune, saupoudré de 3 grains de sel de maldon, accompagné de 3 brins d'une herbe saline ancestrale parmi les 28 produites par un producteur local bio de Baie-Machin-Chouette.

Et lorsqu'il ne cuisine pas, preuve instagram à l'appui, il doit proclamer, prouver au monde entier combien il est «in» en découvrant et expérimentant avant tout le monde les restos les plus tendances des grandes villes du monde et les tendances culinaires à venir. Et bien sûr, lorsque d'autres personnes commencent à connaître ces restos tant vantés par le foodie, eh bien ces restos ne sont déjà plus "in"...

Notons aussi que souvent, le vrai foodie est assez svelte, car son plaisir est avant tout de cuisiner et de s'extasier, et se bourrer la fraise d'espuma de homard ou d'air de livèche...